
Tribune : "Les librairies doivent demeurer à l’abri des violences"
Le SLF et d'autres acteurs du livre dénoncent le dénigrement, le cyberharcèlement et les menaces dont sont de plus en plus victimes les libraires.
A l'initiative du Syndicat de la librairie française, un collectif composé de professionnels des métiers du livre représentant les auteurs, les éditeurs, les bibliothécaires et les libraires dénonce, dans une tribune au journal Le Monde parue le 8 octobre, les faits de dénigrement, de cyberharcèlement voire de menaces physiques dont sont de plus en plus souvent victimes les libraires.
Si vous le souhaitez, vous pouvez vous aussi rejoindre les signataires de cette tribune grâce au lien ci-dessous :
« Des vitrines brisées ou taguées à l’acide à Paris, Lille, Rennes, Périgueux, Nantes, Lyon, Rosny-sous-Bois ou encore à Marseille. Des libraires injuriés ou menacés dans la capitale, à Nice, à Vincennes comme en Ardèche. Des débats ou rencontres avec des écrivains entravés ou empêchés à Bordeaux, Strasbourg ou Bruxelles… Les librairies sont de plus en plus régulièrement les cibles de campagnes de dénigrement ou de cyberharcèlement particulièrement violentes allant jusqu’à des dégradations ou des menaces physiques, de la part de groupuscules ou d’individus se réclamant d’idéologies extrémistes. De telles agressions ne peuvent que nous interpeller et nous devons refuser leur banalisation.
Ces manifestations de violence, motivées par le seul fait que certains livres sont vendus, présentés ou débattus avec leurs auteurs en librairie sont inacceptables. Elles n’ont d’autres buts que de provoquer de la peur et d’induire une forme d’autocensure au sein de librairies dont l’une des principales raisons d’exister est précisément de permettre l’exposition de débats qui traversent notre monde et nos sociétés.
Si cette pluralité déplait à certains, elle demeure non négociable tant elle apparaît indispensable à la réflexion, aux débats et à la nécessaire compréhension d’un monde complexe, incompatible avec des visions univoques, voire sectaires, qui rejettent la contradiction comme l’altérité.
Jusqu’à preuve du contraire, les ouvrages incriminés et présents dans de multiples librairies n’ont fait l’objet d’aucune procédure judiciaire et ne contreviennent donc pas à la loi. Ils sont simplement l’expression d’une opinion ou le résultat d’un travail de recherche. Libre à chacun de les lire ou de les ignorer mais en aucun cas de tenter de les invisibiliser par la menace. C’est à la justice d’interdire le cas échéant un ouvrage et non pas à ceux à qui il déplait. La liberté dont jouissent les libraires de défendre ou non un livre fait écho à la liberté de pensée et d’expression des créateurs, à la liberté de publication des éditeurs et à celle des lecteurs de lire ou de ne pas lire.
Les libraires deviennent les réceptacles de tous les débordements idéologiques là où elles doivent demeurer des refuges pour le savoir et la création, dans un esprit de tolérance. Selon l’idéologie des agresseurs, les livres présentés sur table ou l’auteur, l’autrice, invité(e) ce jour-là, une librairie peut se voir tantôt accusée d’être antisémite, tantôt complice du gouvernement israélien, queer ou pro-patriarcat, d’extrême gauche puis d’extrême droite…
Dans ce contexte de crispations grandissantes, les libraires ne peuvent se satisfaire de devoir demander une surveillance accrue de lieux qu’ils animent avec leurs convictions et leurs sensibilités. Leur travail, mené en toute indépendance et dans le respect de tous, doit continuer à s’exercer librement et sans menaces. Il en va également de l’intérêt des créateurs, des éditeurs et des lecteurs.
Veillons ensemble à l’existence de ces lieux singuliers et précieux que sont les librairies, toutes différentes mais ouvertes sur le monde, sur la création, sur la diversité et sur une certaine idée de l’ouverture à l’autre que porte le livre. »